Ce problème est tiré du chapitre III, [i]Alvéoles des abeilles[/i], p. 372, des très jolies [i][url=https://archive.org/stream/curiositsgomtri00fourgoog#page/n385/mode/2up]Curiosités géométriques[/url] [/i](1907) d’Émile Fourrey.
Lorsqu’on examine un gâteau de cire construit par les abeilles pour y déposer leur miel, on constate qu’il est constitué par des alvéoles juxtaposées dont l’axe est horizontal et dont l’ouverture a la forme d’un hexagone régulier. Il existe deux séries de ces cellules qui se rejoignent par leurs fonds au milieu du gâteau et dont les ouvertures se trouvent sur les faces opposées de ce dernier.
Le corps de l’alvéole se compose d’un prisme hexagonal droit. Le fond n’est pas un plan, mais une surface concave formée par 3 losanges égaux […] ayant un sommet commun ; à chaque cellule peuvent ainsi être adossées trois cellules de la série opposée ayant chacune avec la première un losange commun.
[…] Nous savons que le triangle équilatéral, le carré et l’hexagone sont les seuls polygones réguliers qui puissent se juxtaposer sans vides. Les deux premiers présenteraient trop d’espaces angulaires non utilisés pour les larves ; l’hexagone, au contraire, se rapproche davantage du cercle et offre à cet égard plus de commodité.[br][br]Mais le but de l’abeille paraît être surtout de chercher à épargner la cire, qui est un produit perdu pour l’insecte. L’adossement des cellules permet déjà de supprimer un fond : de plus l’hexagone […] est, des trois polygones réguliers qui peuvent se juxtaposer sans laisser de vides, celui qui pour une surface donnée a le plus petit périmètre et qui, par conséquent, exige le moins de cire pour les parois. Enfin, la section hexagonale étant admise pour les raisons qui précèdent, les dimensions adoptées par les abeilles pour le fond rhomboïdal [formé de losanges] correspondent à la plus petite surface totale pour l’alvéole et par la suite à la plus petite quantité de cire [...] L’instinct des abeilles les conduit donc à résoudre deux intéressants problèmes de minimum.[br][br]On avait remarqué dans l’Antiquité la forme hexagonale des alvéoles des abeilles. ARISTOTE (4[sup]e[/sup] s. av. J.-C.) dans son [i]Histoire des animaux[/i] et PLINE L’ANCIEN (1[sup]er[/sup] s.) dans son [i]Histoire naturelle[/i] en font mention. PAPPUS (4[sup]e[/sup] s.) paraît avoir été le premier à traiter géométriquement la question. Au début du livre V de ses [i]Collections[/i], il considère cette forme de la section des alvéoles comme étant motivée par la double condition de recouvrir le plan et de correspondre au périmètre minimum pour une surface donnée.[br][br]Mais il ne semble pas qu’on ait remarqué la forme rhomboïdale du fond avant le 18[sup]e[/sup] siècle. Un neveu de Cassini, MARALDI, astronome à l’Observatoire de Paris, détermina expérimentalement avec précision les angles des losanges ; [b]il trouva [u][math]109°\,28' = 109°+ (28/60)\degree \approx \boxed{109{,}47\degree}[/math][/u] et [u][math]70°\,32' = 70°+ (32/60)\degree \approx \boxed{70{,}53\degree}[/math][/u] pour les valeurs de ces angles[/b] (1712).[br]
[i]Entre toutes les cellules hexagonales à fond composé de trois rhombes [/i][losanges][i] égaux, déterminer celle qui peut être construite avec le moins de matière.[/i]
Selon l'appliquette précédente, le problème se réduit à minimiser la fonction[br][br][center][math]\boxed{A(y) = \frac{3\sqrt{3}\,r\,\sqrt{4y^2+r^2}}{2} + 3r (2h -y)}[/math][/center]sur l'intervalle fermé [math]\boxed{0\le y\le h}[/math]. [i]Si vous ne voyez pas pourquoi, bougez le point [/i][math]Y[/math][i] dans l’appliquette![/i][br][br]De plus, les explications de Fourrey nous apprennent que [math]\frac{h}{r}=\frac{25}{6}[/math], d'où il est tout à fait raisonnable, pour ce problème de minimisation, de supposer que [math]\boxed{r\le h}[/math].
En calculant à la mitaine, ou mieux, avec un logiciel de calcul symbolique, on prouve que le minimum est atteint en[br][br][center][math]y=\frac{\sqrt{2}}{4} r[/math][/center][i]Il est intéressant de noter que cette valeur ne dépend que du rayon [/i][math]r[/math][i], et non de la hauteur [/i][math]h[/math][i] de l'alvéole. Comprenez-vous intuitivement pourquoi?[/i]
De l'appliquette et de cette valeur, on tire que les diagonales d'un des losanges minimisant la quantité de cire pour construire l'alvéole mesurent [br][center][math]d = \sqrt{3}\, r[/math][/center]et[br][center][math]D = \sqrt{4y^2 + r^2} =\sqrt{4\left(\frac{\sqrt{2}}{4} r\right)^2 + r^2} = \frac{\sqrt{3}\,r}{\sqrt{2}}[/math][/center]
Il est alors plutôt facile de trouver les angles de ce losange (voir la figure ci-dessous). Puisque les diagonales se coupent à angle droit, on déduit que[br][br][center][math]\alpha = \arctan\left(\frac{d/2}{D/2}\right) = \arctan\left(\frac{d}{D}\right)= \arctan\left(\frac{\sqrt{3}\, r}{\sqrt{3}\,r/\sqrt{2}}\right) = \arctan\left(\sqrt{2}\right)[/math][/center]et[br][center][math]\beta = \arctan\left(\frac{D}{d}\right)= \arctan\left(\frac{1}{\sqrt{2}}\right)[/math][/center]
D'où les angles des losanges sont[br][center][math]2\alpha = 2\arctan\left(\sqrt{2}\right)\approx 109{,}47\degree[/math][/center][br]et[br][center][math]2\beta= 2\arctan\left(\frac{1}{\sqrt{2}}\right)\approx 70{,}53\degree[/math][/center]ce qui concorde [[i]on croirait presque un peu trop parfaitement...[/i]] avec les mesures expérimentales prises par Maraldi!